Un enfant majeur, qui participe à l’exploitation agricole de ses parents sans être rémunéré, aura la possibilité de réclamer son salaire au décès de ses parents à l’occasion du règlement de leurs successions.
A défaut d’accord des cohéritiers pour lui payer ce salaire différé, sous quel délai doit-il agir en justice ?
La question s’est posée au sujet de successions dont les parents étaient décédés depuis plus de 20 ans, respectivement en 1989 et 1992. Me BOURDET, Avocat des cohéritiers a soulevé la prescription de l’action en paiement de salaire différé. Le Tribunal judiciaire du Havre lui a donné raison et a rejeté la demande de paiement d’un salaire différé.
Le Tribunal judiciaire du Havre a jugé que le délai d’action en paiement de salaire différé est de 5 ans, et qu’il court à compter du jour du décès en cas de décès avant le 19/06/2008, et à compter du 19/06/2008 en cas de décès antérieur à cette date.
Jugement du 11 janvier 2024, Tribunal Judiciaire du Havre :
Extrait du jugement :
- Sur la prescription des actions en reconnaissance de salaires différés
L'article L 321-17 du code rural dispose que le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession.
En l'absence de disposition spécifique dans le code rural sur la durée de la prescription de l'action en reconnaissance de salaire différé, il convient d'appliquer le droit commun de la prescription.
Jusqu' au 19 juin 2008, l'article 2262 ancien du code civil disposait que les actions, tant personnelles que réelles, étaient prescrites par 30 ans. Depuis l'entrée en vigueur de la loi 1102008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, la durée de prescription de l'action en paiement de salaire différé est, conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, de cinq ans.
Ce nouveau délai s'applique aux successions ouvertes à compter du 19 juin 2008 (date d'effet de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, article 26, II), ainsi qu'aux prescriptions en cours sans que la durée totale ne puisse excéder 30 ans, étant rappelé que la date d'ouverture de la succession est celle du décès.
En l'espèce, en considération des dates des décès respectifs des défunts (1989 et 1992), les prescriptions de 30 ans étaient toujours en cours à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, de sorte que le nouveau délai de 5 ans s'est substitué à l'ancien délai.
II appartenait donc au bénéficiaire de salaire différé de former sa demande dans les cinq ans à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit au plus tard le 19 juin 2013.
Il convient de constater que le demandeur n'a formé sa demande de reconnaissance de salaire différé que lors des opérations de compte, liquidation et partages des successions ouvertes en décembre 2014, soit postérieurement au 19 juin 2013.
Il convient de constater la prescription de la demande relative au salaire différé et de la rejeter.